[Tribune] Les données de paiement, carte maîtresse des banques pour contrer les géants de la tech
Tribune de Benoit Gruet, CEO & Co-Fondateur de CDLK, dans le Journal du Net.
Prises en étaux entre la montée en puissance des néo-banques et les ambitions croissantes des GAFAs dans le secteur financier, les banques traditionnelles se voient dans l’impératif de livrer bataille pour défendre leurs parts de marché, tout particulièrement dans le domaine des paiements.
Dans cette lutte acharnée et malgré la technologie avantageuse de ces nouveaux entrants, les acteurs historiques peuvent compter sur des atouts de taille pour résister aux assauts répétés de cette concurrence ; à condition bien entendu de mettre à profit ce véritable trésor de guerre que constitue la “donnée de paiement”.
La nouvelle donne du marché des paiements
Alors qu’Apple occupe désormais la place de leader incontesté du paiement mobile en France grâce à son Wallet Apple Pay, la firme continue d’avancer ses pions dans le secteur des paiements. Dernier évènement en date, le lancement de l’Apple Card outre-Atlantique qui est venu récemment confirmer les ambitions hégémoniques du géant américain en la matière, et prouver par la même occasion que l’arrivée des GAFAs et BATX sur le secteur des paiements n’a rien d’anecdotique.
Challengées sur le terrain des nouvelles technologies et de l’expérience utilisateur par les géants de la Tech, les banques traditionnelles doivent également répondre à toute une déferlante de néo-banques prêtes à cibler avec une précision redoutable certains segments de clientèle particulièrement sensibles à la digitalisation des services : génération Z, indépendants, TPE/PME…
Pour ne pas se laisser submerger par cette concurrence accrue, les banques traditionnelles sont donc amenées à innover, sans nécessairement tenter de copier, mais plutôt capitaliser sur leurs propres atouts : les données brutes de paiement de leurs clients. Certes, l’arrivée de l’Open Banking peut laisser croire que la messe est dite mais il n’en est rien. Cette donnée, dite accessible via les applications tierces de type DSP2, reste problématique en termes d’exploitabilité. Pour s’en convaincre, il suffit d’ailleurs de constater les erreurs de catégorisation régulièrement commises par les agrégateurs de comptes et autres services de gestion des finances personnelles.
De facto, l’essentiel de la valeur des informations de paiement carte bancaire provient aujourd’hui de l’exploitation de la donnée brute, uniquement disponible “à la source”, au sein des banques. Non accessible par API, ce trésor caché recèle en effet un potentiel d’information à exploiter d’une valeur inégalée.
De nombreux cas d’usages pour les banques
Véritable “or noir du XXIe siècle”, la donnée de paiement sera-t-elle suffisante pour faire face aux menaces que peuvent représenter les géants de la Tech et les néo-banques ? L’avenir nous le dira. Mais une chose est sûre, cette donnée brute n’est pas suffisante en tant que telle, et celle-ci doit par conséquent encore être enrichie puis transformée pour libérer tout son potentiel.
Pour ce faire, de nouvelles solutions sont plébiscitées par les banques afin de créer de la valeur à partir de la donnée de paiement carte bancaire. Voici trois exemples concrets de solutions innovantes pouvant être mises en place par les banques.
1 – L’enrichissement de la connaissance client
Grâce aux données de paiement carte bancaire, la banque bénéficie avant tout d’une image plus complète et plus précise de sa clientèle, de son cycle de vie, de ses habitudes et de ses intérêts. Elle est donc en mesure de réaliser une segmentation marketing intelligente de ses clients sur la base de leurs achats. Une fois ce découpage réalisé sur la base de critères comportementaux bien plus précis que de simples critères sociodémographiques, la banque peut dès lors proposer automatiquement des offres et services contextualisés, et donc plus efficaces.
2 – L’amélioration de l’expérience utilisateur
Outre la personnalisation de l’offre, les données de paiement ouvrent également la voie à un enrichissement de l’expérience utilisateur. Lors de la consultation de son relevé de compte, un utilisateur apprécie en effet de voir ses dépenses carte bancaire finement catégorisées mais aussi de pouvoir identifier et géolocaliser précisément les commerçants ayant reçu ses transactions.
Grâce à l’ensemble des données à sa disposition, la banque est aujourd’hui en mesure d’aller bien au-delà de la simple personnalisation de relevé de compte pour renforcer sa proposition de valeur, mais aussi d’augmenter l’autonomie de son client (désormais en capacité d’enquêter lui-même sur l’origine et le bien fondé de chacune de ses transactions sans avoir à solliciter systématiquement son conseiller) ; de quoi permettre à la banque de réduire drastiquement les coûts de son service client.
3 – L’optimisation des programmes de fidélité
Enfin, les données de paiement sont également l’occasion de personnaliser les programmes de fidélité, et tout particulièrement les programmes de cashback adossés à la carte bancaire. Moyen de paiement préféré des Français, la carte bancaire peut en effet permettre à son utilisateur de récupérer automatiquement un pourcentage du montant payé lors de ses achats offline, online ou InApp chez les commerçants partenaires du programme. C’est aussi une opportunité pour les banques d’enrichir leur proposition de valeur envers les commerçants en leur proposant de pousser des offres ciblées auprès de leurs millions de clients.
A l’heure de la montée en puissance des nouveaux entrants, les grandes banques ont aujourd’hui tout intérêt à redoubler leurs efforts dans le domaine du Big Data en exploitant le gisement unique de leurs données, en particulier celles à forte valeur ajoutée, comme la data de paiement. Encore faut-il la cultiver au bon endroit …